Le gouvernement coupe les crédits de l’aide aux personnes en situation de prostitution

Tribune de Marie-Hélène Franjou, Présidente de l’Amicale du Nid, Louis Gallois, Président de la Fédération des acteurs de la solidarité et Nicolas Noguier, Président-fondateur de l’association Le Refuge, parue le 13/11/2017, sur le site du Huffington Post.

 

 

Le gouvernement a décidé de diminuer de 25% les crédits dédiés à la lutte contre le système prostitutionnel, le proxénétisme et la traite des êtres humains dans le budget 2018. Le vote des crédits a lieu aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

 

La prostitution n’appartient pas au passé. En France, il s’agit de la réalité quotidienne de dizaines de milliers de femmes, d’hommes, de personnes trans, d’enfants, de personnes de tous âges et de nombreuses nationalités, qui sont contraint.e.s de vendre leur corps pour de l’argent, souvent prisonnier.e.s de réseaux de proxénétisme ou de traite, étrangers ou français.

 

Non seulement le phénomène n’a pas disparu mais il a changé de visage: il se répand sur internet de manière exponentielle. Les réseaux de traite des êtres humains tirent profit de la détresse totale de celles et ceux qui veulent traverser la Méditerranée sans en avoir les moyens. La prostitution touche de plus en plus de mineur.e.s, qu’il s’agisse de jeunes étranger.e.s à la merci de réseaux ou de Français.e.s en rupture familiale et sans ressources.

 

Les personnes en situation de prostitution sont davantage agressées, violées, violentées, tuées que la moyenne. Elles sont insultées, souvent menacées et maltraitées, parce qu’elles se trouvent le plus souvent dans une situation d’extrême vulnérabilité sociale et psychique. Elles sont probablement les victimes ultimes du système de violences sexuelles dont l’ensemble de notre société semble prendre conscience en ce moment même. Il s’agit d’une urgence absolue. Et pourtant, le gouvernement a décidé de diminuer de 25% (soit -1,6 million d’euros) les crédits dédiés à la lutte contre le système prostitutionnel, le proxénétisme et la traite des êtres humains dans le budget 2018. Que cela signifie-t-il? Comment la détresse de ces dizaines de milliers de personnes peut-elle ne pas être considérée comme une priorité? Comment accepter la présence aussi importante de réseaux de traite des êtres humains d’une violence extrême sur notre territoire?

 

Au quotidien, il y a au contraire besoin de davantage de moyens. Pour que les associations spécialisées puissent aller à la rencontre de davantage de personnes, distribuer des préservatifs, faciliter leur accès aux soins et aux droits, et leur proposer des alternatives à leur situation si elles souhaitent en sortir. La loi de 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel prévoit justement qu’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle donne accès à ces alternatives, une lueur d’espoir pour nombre de personnes en situation de prostitution.

 

Le nouveau gouvernement dit vouloir appliquer ce nouveau cadre d’accompagnement social. Mais encore faudrait-il investir suffisamment dans cette politique pour proposer une aide financière à davantage de personnes, développer des partenariats avec les acteurs du logement, de la formation, de l’insertion, garantir la formation des acteurs sociaux et des fonctionnaires, et mener de grandes campagnes de prévention de la prostitution notamment auprès des plus jeunes. C’est sans compter le besoin impérieux de consacrer davantage de moyens au démantèlement des réseaux.

Toutes ces actions ne se feront pas gratuitement. Nous demandons que soient significativement augmentés les moyens dédiés à la lutte contre le système prostitutionnel en France, notamment en matière d’accompagnement social des personnes en situation de prostitution.

 

Cette tribune est également signée par :

Marie-Thérèse Borde, Présidente de ALTHEA

Jeannine Grosjean, Présidente de l’ADEFO

Eric Jouan, Directeur général de ALC

Maryse Lépée, Présidente d’Aux Captifs, la libération