Le 2 juin 1975, une centaine de femmes prostituées entrent dans l’Église Saint-Nizier pour revendiquer la fin du harcèlement policier et dénoncer l’hypocrisie de l’État à leur égard.
Elles occuperont les lieux dix jours. Elles souhaitaient être reconnues comme des mères, des femmes, des êtres humains.
Cet évènement a été déclencheur d’un combat des femmes prostituées pour faire valoir leurs droits et revendiquer dignité et reconnaissance.
Le 2 juin dernier, l’Amicale du Nid et le Mouvement du Nid se sont réunies et ont mis en place une journée en la mémoire de cet évènement.
Était prévu le dévoilement d’une plaque commémorative pour l’occasion. Malheureusement et à notre plus grand regret, le maire de Lyon a annulé cette action le jour-même.
La marche de l’église Saint-Nizier à la Préfecture du Rône rassemblait les deux associations, et en particulier les personnes accompagnées par celles-ci dans l’optique de faire entendre et valoir leurs droits.
De plus, nos deux associations ont rédigé une lettre à destination de la Préfète du Rhône afin de l’informer de cette action , mais également pour l’alerter sur la difficulté des procédures de parcours de sortie de la prostitution dans le département.
A partir de 18H, l’Amicale du Nid et le Mouvement du Nid ont invité aux archives municipales de Lyon, leurs partenaires associatifs et institutionnels ainsi que la presse locale et nationale.
Dans un premier temps, a eu lieu une exposition retraçant la chronologie des luttes et l’histoire de ces 50 ans de combat à travers des photos d’archives et des œuvres artistiques réalisées par des survivantes de la prostitution.
Ensuite, les associations, acteurs.rices locaux.ales, ainsi que des personnes accompagnées par nos associations et des survivantes de la prostitution ont pris la parole pour faire le point sur ces 50 ans de combat et sur le chemin qu’il reste à parcourir, notamment concernant l’application de la loi de 2016.
Découvrez un extrait du discours prononcé par Françoise RITTER, Présidente de l’Amicale du Nid :
« En 1975, l’AdN accompagnait les personnes prostituées qui le souhaitaient, vers une sortie la prostitution, dans le cadre de ses dispositifs, foyer d’accueil, atelier d’aide à la vie active et milieu ouvert, qui étaient situés dans le quartier de Bel Air. J’ai pu échanger avec quelques-unes de nos professionnelles de l’époque, des éducatrices spécialisées, qui m’ont raconté leur engagement dans l’accueil et l’accompagnement des personnes pour un soutien global vers la sortie de la prostitution, la force de notre atelier qui visait à un retour vers la vie professionnelle…. Elles m’ont dit le courage et la détermination de ces personnes mais aussi leurs difficultés majeures : subir les poursuites et parfois violences policières, affronter le regard inique que toute la société ou presque portait sur elles, sortir de l’emprise de leurs proxénètes…
En juin 1975, les professionnelles de l’AdN, venaient à St Nizier tous les jours pour apporter un soutien logistique (des repas par exemple) et moral aux « occupantes », qu’elles connaissaient bien sûr ou qu’elles ont retrouvées pour certaines ultérieurement. L’AdN était déjà une association nationale, implantée à Paris et en région parisienne, à Bordeaux, à Marseille et à Lyon. Comme elle l’est toujours, forte de 270 salariés présents dans 16 départements où ils développent un continuum d’actions, de la prévention à l’accompagnement social global vers une sortie de la prostitution, au bénéfice des personnes qui le souhaitent. Nous avons accueilli en 2024 2700 personnes et accompagné de manière individuelle et personnalisée 1482 personnes majeur.es et 438 mineure.es.
En juin 1975 et ensuite, les professionnelles de l’AdN Lyon et les intervenant.es du MdN se sont soutenues dans leur action et combat commun et ont vécu des moments de partage et de convivialité nombreux, chargés de sens, ensemble et avec les personnes accompagnées.
Quand on interroge aujourd’hui les lyonnaises et les lyonnais (dont je suis) sur cet événement, à condition qu’ils aient plus de 60 ans ils vous disent : « ah oui, c’était incroyable ce mouvement, c’était la première fois que j’entendais parler d’une révolte de prostituées, la première fois qu’elles osaient « se montrer » … Et dans une église, ce n’était pas banal… mais le Père Delorme bien sûr, le curé des Minguettes (ce qu’il n’a jamais été), c’était quelqu’un… »
Saluons le courage et la détermination des personnes qui ont occupé St Nizier, à faire valoir qu’elles méritaient, comme tout être humain, respect et dignité et à revendiquer qu’aucune discrimination ne devait les frapper. Certains sont devenues des figures emblématiques, d’autres non, mais toutes étaient victimes du système prostitutionnel, qui légitimait l’action du client (acheter un corps, le plus souvent féminin), toutes étaient dénigrées par la société, et toutes étaient de plus l’objet de poursuites et parfois de violences policières…
Comme l’a dit Martine Léoutre, les associations étaient au côté des personnes prostituées à St Nizier pour soutenir leur juste combat face à la situation ubuesque à laquelle elles étaient confrontées.
Aujourd’hui les personnes en situation de prostitution bénéficient de la loi de 2016, loi abolitionniste. Cette loi porte l’idée que la prostitution est une violence physique et psychologique, qu’elle n’est pas une sexualité libre mais bien une atteinte à la dignité et aux droits des êtres humains, le plus souvent des femmes.
Les personnes que nous accueillons ou accompagnons expriment, comme en 1975, les difficultés et souffrances qu’elles vivent ou ont vécu et la complexité à sortir de cette situation. La loi, qui a une dimension systémique, propose des dispositifs efficaces mais pas suffisamment mis en œuvre pour certains.
Parmi eux le Parcours de Sortie de Prostitution (PSP) qui ouvre des droits précieux mais qui est souvent, et particulièrement dans notre département, accordé de manière limitée. C’est pourquoi nous sommes ce 2 juin, aux côtés des personnes qui revendiquent un légitime accès aux PSP.
Saluons les avancées réelles réalisées depuis 1975 mais portons avec elles tout ce qu’il reste à faire pour soutenir leur juste combat. »
Nous tenons à remercier chaleureusement l’ensemble des personnes présentes à cette occasion.