Justice vertueuse avec l’usage social de biens confisqués : présence de l’Amicale du Nid au programme ERASMUS+ à Gênes

L’association Crim’Halt vise à contribuer à l’émancipation des citoyennes face à toutes les formes de criminalité, convaincue de l’efficacité du système antimafia italien. L’association a structuré un argumentaire solide pour démontrer notamment l’intérêt de l’usage social des biens confisqués en France.

 

Le programme européen ERSAMUS+ soutient l’éducation et la formation des adultes à travers des échanges et collaborations internationale. Cette année 2025, le programme ERASMUS+ de Crim’HALT portait sur logement et à l’hébergement sociaux et solidaires en matière de biens confisqués  et socialement réaffectés.

 

L’Amicale du Nid était invitée à ce programme en tant que première association française ayant bénéficié de l’affectation sociale d’un bien immobilier. Confisqué par la Justice italienne, et confié à la Justice française sous réserve d’une affectation sociale, un appartement parisien de 40m2 avait été affecté à l’Amicale du Nid, comme place « en diffus » de son centre d’hébergement et de réinsertion sociale. La signature du bail, à faible montant, avait eu lieu le 24 février 2021, en présence de Nicolas Bessone, alors directeur de l’AGRASC, avant l’adoption de la loi française du 8 avril 2021.

 

L’affectation sociale des biens confisqués en Italie

La loi italienne du 7 mars 1996 introduit le principe d’affectation sociale des biens confisqués. Ces bien peuvent :

  • Être conservés dans le patrimoine de l’Etat pour des objectifs de justice, d’ordre public et de protection civile.
  • Être transférés aux collectivités territoriales à des fins institutionnelles ou sociales par l’intermédiaire de l’Agence nationale pour l’administration et la destination des biens saisis et confisqués à la criminalité organisée (ANBSC)
  • Être mis à disposition d’organismes, d’associations de bénévolat et de la société civile.

L’affectation sociale est l’une des destination possible des biens saisis.

Créée en 2010, l’ANBSC est une administration publique placée sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur et de la Cour de comptes, dotée de pouvoirs décisionnels en matière de gestion des biens saisis et confisqués. Elle intervient à toutes les étapes du processus, de la saisie à la destination finale des biens. Depuis sa création plus de 23 000 immeubles ont été confisqués :

  • 80% des ont été attribués aux collectivités territoriales qui en fixent les destination par appel à manifestation d’intérêt à des associations, organisations de volontariat, coopération sociales, communautés thérapeutiques et centres de réhabilitation pour usagers de drogues, associations de protection de l’environnement (ou vente)
  • 13% ont été affectés à l’Etat.

 

En France, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), créée par la loi du 9 juillet 2010 et le décret du 1er février 2011, est un établissement public ayant pour but d’intensifier efficacement la lutte contre l’économie souterraine. La loi de finances du 29 décembre 2020 a prévu la compétence de l’Agrasc pour les affectations de biens saisis et confisqués aux services enquêteurs et judiciaires, et de nouveaux outils juridiques, la loi du 8 avril 2021 créant le mécanisme de l’attribution des biens immobiliers confisqués à des associations d’œuvre sociale. Enfin, la loi du 4 août 2021 pose le principe du retour des biens mal acquis et confisqués au plus près de la population de l’État étranger concerné.

Les missions de l’Agrasc sont :

  • L’assistance fournie aux juridictions pénales et aux procureurs de la République, à leur demande ou à son initiative, relatives aux orientations, aide juridique et pratique utiles à la réalisation des saisies et confiscations envisagées ou à la gestion des biens saisis et confisqués Notamment, l’agence intervient tant pour des affaires judiciaires internes que dans le cadre de la coopération internationale.
  • La formation des personnels judiciaires, enquêteurs, partenaires institutionnels ou étrangers concernés par les saisies et les confiscations
  • La gestion des biens saisis sur l’ensemble du territoire national :  gestion centralisée des sommes saisies (sommes en numéraire et comptes bancaires), publication des saisies et confiscations pénales immobilières, vente des biens meubles avant jugement (sur décision de la juridiction et dans des situations exceptionnelles, le département mobilier de l’Agrasc peut être chargée de vendre les biens meubles confisqués), la dynamisation des scellés, l’affectation des biens meubles aux services d’enquête et aux services judiciaires.
  • L’indemnisation des parties civiles sur les biens confisqués 
  • L’exécution des confiscations. L’Agrasc exécute :
  • Le versement des sommes confisquées au budget général de l’Etat, ou au fonds de concours (fonds de concours stupéfiants, fonds de concours lutte contre le proxénétisme, biens mal acquis). La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives se voie
  • La vente des biens immobiliers è voir leurs ventes.
  • La restitution lorsque la restitution des biens saisis et gérés par l’AGRASC est ordonnée.
  • L’affectation sociale :  c’est un bien, saisi par le ministère public ou confisqué par un juge, attribué à un service de l’État ou une association reconnue d’utilité publique. Depuis la loi du 8 avril 2021, L’agence peut mettre à disposition, le cas échéant à titre gratuit, un bien immobilier dont la gestion lui est confiée au bénéfice d’associations ainsi que de fondations reconnues d’utilité publique et d’organismes bénéficiant de l’agrément prévu dans le code de la construction et de l’habitation. è Consulter les appels à manifestation d’intérêt
  • L’affectation de biens meubles – Les magistrats en charge des enquêtes, informations judiciaires ou à l’exécution des peines peuvent affecter des biens meubles à titre gratuit aux services enquêteurs de la police nationale, aux services enquêteurs de la gendarmerie nationale, au service d’enquêtes judiciaires des finances, à l’office français de la biodiversité, aux juridictions. Ces affectations peuvent être : temporaires ou définitives : le bien change alors définitivement de propriétaire.  
  • La coopération internationale : l’agence transpose au niveau international les actions menées en France, à savoir l’assistance et la formation.

 

Pour l’année 2023, les sommes perçues grâce au travail de ceux en charge de la lutte contre la délinquance ont été affectées ou redistribuées par l’Agrasc comme suit :

  • Au budget général de l’État : 109,9 M€ ;
  • À la MILDECA concernant les produits issus des décisions de confis cation prononcées dans des dossiers de trafic de stupéfiants : 50 M€ ;
  • Au fonds de lutte contre le proxénétisme : 3,8 M€ ;
  • Aux parties civiles : 96,9 M€ ;
  • Aux autorités étrangères dans le cadre de conventions de partage : 0,6 M€ ;
  • À la direction générale de la Police nationale (DGPN) pour financer la protection des repentis et des collaborateurs de Justice, 780K€ avec un abondement exceptionnel supplémentaire de 200K€ en 2023 pour palier l’augmentation du nombre de repentis.

 

Lors du programme ERASMUS+ ont été rencontrées des équipes travaillant sur plusieurs sites confisqués et socialement attribués à Gênes : association « pas-à-pas » au service de l’intégration par l’apprentissage de la langue, la Fondation Gigi Ghirotti œuvrant en matière de traitement de la douleur et des soins palliatifs, CicloRiparo ; atelier participatif pour la réparation et promotion du vélo, EnigMalavita, escape room dédié à la sensibilisation sur criminalité organisée, Auxilium, fondation engagée auprès des plus démuni.es (personnes sans domicile, personnes étrangères demandeuses d’asile, personnes vivant avec le VIH, victimes du système prostitutionnel, familles en difficulté). A noter que sur chaque site est apposé une plaque précisant la confiscation et attribution sociale.

 

Participaient au programme :

  • Fabrice Rizzoli, Docteur en sciences politiques, enseignant à Sciences Po Paris et à l’HEIP, Président et co-fondateur de l’association Crim’HALT ;
  • Arnaud de Laguiche, Directeur du secteur immobilier, en charge des affectations sociales au sein de l’AGRASC (Agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis et confisqués) ;
  • Françoise Delvoye, Présidente de la Branche Logement de la Fédération Nationale Habitat et Humanisme, ex Présidente d’Habitat et Humanisme Nord-Pas-de-Calais ;
  • Philippe Lacroix, Chargé de mission au Haut Comité pour le Droit au Logement ;
  • Delphine Jarraud, Déléguée générale de l’Amicale du Nid ;
  • Bertrand Lapostolet, Dirigeant de la foncière solidaire SNL-Prologues ;
  • Michèle Attar, Vice-présidente de l’association Aurore et ancienne directrice générale de Toit et Joie (Poste Habitat) ;
  • Etienne Fabris, Dirigeant du GIE la Ville Autrement ;
  • Eva Soneville, Juriste en droit franco-italien, auteure d’un mémoire sur l’usage social des biens confisqués, une analyse comparée entre l’Italie et la France
  • Martin Fort, Journaliste indépendant, auteur de plusieurs articles sur l’usage social des biens confisqués
  • Victor le Boisselier, Journaliste en Sicile, couvre notamment les sujets liés à la mafia ainsi qu’à l’antimafia.

 

Pour aller plus loin :