Parcours de sortie de la prostitution : humaniser les décisions

Le parcours de sortie de la prostitution, une procédure particulière

 

Le parcours de sortie de la prostitution est un formidable outil de la loi du 13 avril 2016, tremplin pour l’émancipation du système prostitutionnel et l’insertion socioprofessionnelle, quelques données :

 

A l’entrée en parcours, un tiers des personnes sont sans hébergement stable, plus aucune à la sortie. De plus, 81% d’entre elles sont sans ressources ou possèdent des ressources issues de la prostitution. Enfin, 89 % des personnes sont en emploi à la sortie de leur parcours (données Amicale du Nid 2017-2023).

 

Durant les deux années de parcours de sortie de la prostitution (renouvelable tous les 6 mois), les personnes disposent d’une autorisation provisoire de séjour (APS) et d’une aide financière à l’insertion professionnelle (AFIS) à hauteur d’une somme mensuelle de 343.20€ pour une personne seule.

 

A l’issue du parcours doit être favorisé l’accès à un titre de séjour, et c’est à cette ultime étape que les choses se compliquent parfois… après deux ans d’engagement de la personne dans son parcours et deux ans d’engagement de l’Etat.

 

Les demandes d’entrée en parcours de sortie de prostitution sont nombreuses, les accompagnements socio-éducatifs denses. Les professionnel.les de l’Amicale du Nid accompagnent un tiers des personnes bénéficiant d’un parcours en France.

 

Des difficultés administratives pour les personnes accompagnées, mais pas que…

 

Il s’agit ici de l’histoire de deux femmes qui ont bénéficié de l’entrée en PSP. Pour elles, la situation administrative est compliquée dès le début :

  • Une femme d’une 50e d’années,
  • Sa fille d’une 30e d’années, mère de trois enfants nés en France, victime de violences conjugales, victime de viols par son conjoint-proxénète et d’un « client » pendant la pandémie de COVID, avec dépôts de plainte, dénonçant clairement des faits de proxénétisme.

 

Lors d’une première commission, ces deux femmes accèdent à l’autorisation du préfet d’entrer en PSP, mais se voient refuser l’autorisation provisoire de séjour. Après plus de 12 mois sans notification de ce refus (empêchant tout recours), le dossier de la mère est représenté en commission. Il sera enfin communiqué un « trouble à l’ordre public » justifiant les nouveaux refus d’APS des deux demandes : les deux femmes se sont défendues dans un squat où leurs affaires avaient été volées et l’un d’elle a volé une paire de chaussures pour l’un de ses enfants. Pas de poursuite, pas de condamnation, mais une obligation à quitter le territoire français (OQTF) de 18 mois pour trouble à l’ordre public… OQTF passée à 3 ans par la loi asile et immigration de janvier 2024.

 

En commission départementale de juin 2024, les dossiers sont à nouveau présentés pour une énième demande d’entrée en PSP assortie d’une autorisation provisoire de séjour. Des échanges tendus s’engagent au sein des membres de la commission entre des représentants de l’Etat, avec de vraies questions éthiques qui sèment le trouble : pourquoi attendre la fin de l’OQTF dans un an et ne pas délivrer l’APS dès maintenant ? L’injonction paradoxale est clairement verbalisée durant les échanges par différents services de l’Etat car la personne sera régularisée (notamment compte-tenu de ses enfants français), mais pour autant, elle ne peut disposer d’aucun droit d’ici-là, la condamnant à rester en situation de prostitution.  

 

Rebondissant sur l’émotion face à ces questions, la cheffe de service de l’Amicale du Nid, qui présentait ce jour-là 17 dossiers d’entrée en PSP, propose aux membres de la commission de rencontrer des bénéficiaires de PSP dans nos locaux.

 

Travailler ensemble et humaniser pour mieux comprendre

 

Résultat : une quarantaine de personnes présentes, de tous horizons, sorties de PSP ou en cours de PSP. Ces femmes, hommes, personnes trans ont présenté avec dignité et leurs mots leurs témoignages, les violences du système prostitutionnel, l’intérêt majeur de l’accès aux PSP, l’énergie déployée dans le monde du travail, la difficulté d’accès à un logement autonome, mais aussi leur solitude. L’écoute des représentant.es de l’Etat présent.es était intense.

 

La femme d’une 50e d’années, dont l’entrée en parcours assortie d’une APS n’avait toujours pas été statuée en commission, a expliqué sa situation : son entrée a enfin été actée, avec APS.

 

Sa fille, qui depuis a un emploi à mi-temps avec promesse d’embauche et un logement, doit attendre juin 2025, les 3 années de son OQTF, pour enfin pouvoir entrer en parcours avec autorisation provisoire de séjour et changer d’horizon de vie avec ses trois enfants. En juillet, elle vient de déposer une nouvelle plainte suite au viol d’un client.

 

Pourquoi faut-il attendre encore un an sous l’emprise du système prostitutionnel qui n’est que violences ? 

 

Il est temps que les commissions humanisent leurs décisions : il ne s’agit pas de mesures administratives de « PSP » mais de personnes victimes d’un système de violences, à l’intersection des oppressions sexistes, économiques et racistes et de leur volonté de nouvelles trajectoires de vie nécessitant un soutien temporaire de l’Etat pour une mise en sécurité.

 

Découvrez les deux courriers rédigés par ces femmes pour motiver leurs demandes de parcours de sortie de prostitution