Pourrais-tu nous parler de ton parcours professionnel et de ce qui t’a motivée à rejoindre l’Amicale du Nid ?
Je m’appelle Charline et cela fait presque sept ans que je travaille à l’Amicale du Nid de Paris. J’ai obtenu mon diplôme de conseillère en économie sociale et familiale (CESF) en 2012, et après cela, j’ai travaillé pendant six ans dans un centre maternel dans une grande association de la région parisienne. Ce centre accompagnait principalement des femmes avec enfants, dont certaines étaient déjà suivies par l’Amicale du Nid.
Au fil du temps, je me suis rendue compte qu’il me manquait quelque chose dans mon précédent emploi. Bien que l’association dans laquelle je travaillais avait de nombreux services, je n’y retrouvais pas les valeurs humaines et l’accompagnement global que je recherchais. C’est grâce aux femmes accompagnées par l’Amicale du Nid que j’ai découvert cette structure, et ce fut une véritable révélation. Les valeurs de l’Amicale du Nid, basées sur l’écoute, le respect de l’autonomie et la dignité humaine m’ont convaincue de postuler.
Je me suis aussi beaucoup intéressée à la question de la prostitution, notamment après la loi de 2016, qui a été un tournant dans le débat public. L’impact des médias et les discussions sur la prostitution m’ont poussée à approfondir mes connaissances et à voir comment l’Amicale du Nid pouvait intervenir sur ce sujet. C’est comme cela que j’ai rejoint l’association, d’abord en tant que travailleuse sociale, puis en tant que coordinatrice du pôle accompagnement social.
Tu es coordinatrice du pôle accompagnement social. Peux-tu nous expliquer en quoi consistent tes missions et nous décrire un peu la vie au sein du CHRS ?
Le pôle accompagnement social de l’Amicale du Nid est un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Nous y accompagnons des personnes qui ont été ou sont encore en situation de prostitution, ou qui sont exposées à ce risque. L’objectif est de leur offrir un accompagnement social global, en mettant l’accent sur les violences subies et en cherchant à leur offrir des alternatives à leur situation.
Nous disposons de 62 places d’hébergement réparties entre des hôtels, des studios, et des appartements partagés, mais nous accompagnons aussi des personnes sans hébergement, qui peuvent être locataires ou hébergées ailleurs. Les personnes bénéficient de notre soutien pour développer leur autonomie, se reconstruire et trouver un chemin vers la réinsertion.
En tant que coordinatrice, mes missions sont assez variées. Je suis à la fois responsable de la coordination de l’équipe des travailleurs sociaux, qui est composée de 12 personnes, et je continue à suivre certaines personnes en tant que travailleuse sociale. Cela inclut des entretiens individuels, des points réguliers avec mes collègues pour échanger sur les situations des personnes accompagnées, ainsi que des discussions avec la cheffe de service pour nous assurer de la bonne gestion des situations complexes.
A quoi ressemble concrètement une journée type pour toi ?
Les journées ne se ressemblent jamais, c’est ce qui fait la richesse de notre travail. Il y a des moments fixes comme nos réunions d’équipe tous les jeudis matin ou des suivis réguliers avec les jeunes des appartements. Mais il y a aussi des imprévus : une personne peut nous appeler en urgence pour un problème ou une situation d’hébergement qui peut nécessiter une intervention rapide, comme une visite à domicile.
Mes journées se divisent donc entre des tâches de coordination et des suivis d’accompagnement. D’un côté, je coordonne les échanges entre les travailleuses.eurs sociaux.ales, nous réfléchissons ensemble sur des situations complexes, et je fais des points réguliers avec la cheffe de service. De l’autre côté, j’accompagne personnellement certaines personnes à travers des entretiens individuels, en m’assurant qu’elles reçoivent le soutien dont elles ont besoin.
Peux-tu nous parler un peu de la démarche qualité au sein du CHRS, notamment en ce qui concerne les droits et libertés des personnes que vous accompagnez ?
La démarche qualité au sein de notre CHRS est avant tout axée sur le respect des droits et libertés des personnes. Cela inclut l’accès à un accompagnement personnalisé, en s’assurant que chaque personne puisse s’exprimer librement et faire des choix concernant son parcours.
Récemment, lors des CVS (conseils de vie sociale) il y a trois personnes hébergées qui ont été élues par leurs pairs. Nous les rencontrons en petits groupes de travail, pour réfléchir à la communication avec les autres personnes hébergées, pour voir ce qui pourrait être amélioré dans les hébergements, en se posant certaines questions comme « c’est quoi être hébergé.e ? » mais aussi les règles de sécurité dans les appartements, que faire s’il y a un incendie par exemple, mais aussi combien de temps on reste dans les appartements et quand on y sort.
C’est important de travailler ces questions en collectif, cela responsabilise et motive tout en s’inscrivant dans la démarche qualité.
Nous mettons en place un cadre sécurisant où chaque personne peut se reconstruire à son rythme, sans pression.
Nous sommes attentifs à préserver leur autonomie, tout en étant là pour les soutenir dans les moments où elles en ont besoin. Il est essentiel que chacun.e puisse prendre part activement à la gestion de son projet de réinsertion. Les droits des personnes sont au cœur de notre approche, et nous nous engageons à veiller à leur sécurité et à leur offrir les ressources nécessaires pour sortir de la prostitution.
Pourrais-tu nous parler d’activités/d’ateliers réguliers au sein du CHRS ?
Un axe important est la prévention et la gestion des violences. Les 8 mars et 25 novembre de chaque année sont des temps forts au sein de notre établissement. Nous organisons des groupes de parole pour que les femmes puissent partager leurs expériences, mais aussi des ateliers sur la santé, le bien-être, et la prévention des infections sexuellement transmissibles. Ces activités permettent de renforcer la confiance, de créer des liens, et de soutenir les femmes dans leur réinsertion.
Cette année par exemple, il y a eu un temps de parole autour de la question des règles avec les personnes accompagnées, dans un atelier animé par des professionnel.les.
Nous allons aussi en manifestation avec les personnes accompagnées qui le souhaitent, il y a donc aussi des ateliers pancartes.
Nous avons enregistré un podcast en novembre 2024 avec le témoignage de 15 personnes accompagnées, qui vient de sortir et que vous pouvez retrouver ci-dessous :