Delphine JARRAUD, déléguée générale, a rappelé la nécessité d’une politique publique volontariste, sociale et pénale, avec la mise en œuvre effective de la stratégie de lutte contre le système prostitutionnel et l’exploitation sexuelle qui a un an, avec des échéances et des financements à la hauteur des dégâts humains de ce système d’exploitation d’enfants, adolescent.es et adultes, femmes, hommes et personnes transidentitaires.
Cette audition a été alimentée par les directions et équipes de terrain, l’Amicale du Nid assurant l’accompagnement d’1/3 des PSP en France.
Il a été rappelé la nécessité de financements pluriannuels des associations et du non financement par l’Etat (cohésion sociale, droits des femmes, santé, AGRASC…) d’associations non alignées avec l’entièreté des dispositions de la loi du 13 avril 2016.
Enfin, il a été souligné les nombreux dysfonctionnements des commissions départementales et processus de parcours de sortie de la prostitution entravés par certaines pratiques de préfet.e – pratiques pour lesquelles nous soutenons les victimes dans leurs recours administratifs.
Nous avons souligné :
- Le faible nombre de commissions actives sur les 101 existantes) : 1/4 des commissions (23) ne se sont pas réunies en 2024, et 62 se sont réunies plusieurs fois en 2024
- Le faible nombre de commissions avec des PSP en cours : 2/3 (67) commissions ont des PSP en cours et 5 départements concentrant 40% des PSP en cours) : Paris, le Rhône, les Bouches-du-Rhône, l’Isère et la Haute-Garonne 1/3 (34) commissions sans PSP dont 27 commissions n’ont jamais eu de PSP
- La hausse du nombre de refus d’entrée en PSP : 18% parmi les 469 premières demandes en 2024 contre 10% en 2023.
- Le nombre restreint de bénéficiaires de PSP depuis 2017 malgré l’ampleur des dégâts de cette exploitation : 2102 personnes seulement et 903 en 2024.
- Un net ralentissement du nombre de parcours : le nombre de PSP en cours au 31 décembre n’a augmenté que de 7 % entre 2023 et 2024 contre 31% entre 2022 et 2023 et 44 % entre 2021 et 2022
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce ralentissement :
- Les moyens limités des associations agréées qui ont déjà des files actives de personnes en parcours à accompagner durant 2 ans,
- L’absence de réunion des CDLP dans 23 départements,
- La limitation du nombre de dossiers présentés lors de chaque réunion imposé par certaines commissions,
- Des refus plus fréquents des préfet.es, qui pour certain.es ont une vision de « politique migratoire » et non de « protection des victimes » du système prostitutionnel, et qui refusent des entrées en PSP, ou refusent des renouvellements (3 renouvellement sur 2 ans) ou délivrent une OQTF et non un titre de séjour en fin de parcours, ce qui décourage fortement les demandes et impacte le travail social.
Les causes repérées de refus sont diverses et inégales selon les départements :
- La prostitution de la demandeuse n’a pas lieu sur le territoire français mais dans un autre pays ; ou bien sur un autre département français ;
- L’arrêt de la prostitution est antérieur à la demande ou bien toujours en situation de prostitution ;
- La personne demandeuse fait l’objet d’une obligation à quitter le territoire (OQTF) ;
- La personne demandeuse est en cours de demande d’asile ou déboutée de l’asile[1] ;
- Le récit de vie de la demandeuse est jugé incohérent laissant entendre par le.la préfet.e une situation de prostitution non avérée ;
- La demandeuse a des enfants en France ou est enceinte, facteur estimé par certains comme une entrave à l’insertion socio-économique ;
- La demandeuse a des enfants dans son pays d’origine et le.la préfet.e craint un futur regroupement familial ;
- Le conjoint de la demandeuse est en situation irrégulière ;
- La personne demandeuse n’a pas d’hébergement stable (et encore moins de logement) avec notamment des hébergements dits « communautaires » alors même qu’il manque des hébergements (le plan nation prévoit des places d’hébergement d’urgence dédiés – élargissement des hébergements d’urgence dédiés aux femmes victimes de violences (conjugales) aux victimes des violences du système prostitutionnel.
- La demandeuse n’a pas d’acte d’état civil légalisé ;
- La demandeuse n’a pas déposé plainte en tant que victime de proxénétisme ou traite des êtres humains[2].
- L’insertion socio-professionnelle considérée comme compromise car demandeur.se trop âgé.e, ne maîtrisait pas suffisamment le français.
AUCUN de ces motifs ne relève des conditions réglementaires prévues pour l’entrée en PSP et sont donc régulièrement contestés par recours administratifs.
Il est donc fortement attendu qu’un guide national soit élaboré par l’Etat avec les principales associations agréées pour notamment la composition des dossiers présentés et les conditions d’accès en PSP.
En outre, la revalorisation effective du montant de l’aide financière à l’insertion socio-professionnelle (AFIS) qui accompagne les PSP, aujourd’hui de 342€ , au montant du RSA, est toujours attendu, pourtant votée dans la loi de finance 2024.
Pour aller plus loin :
[1] Décision du tribunal administratif de Cergy Pontoise du 8 mars 2023 (suite recours soutenu par l’Amicale du Nid) : « Il résulte de l’instruction que, pour refuser à Mme X le bénéfice du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, le Préfet des Hauts-de-Seine a considéré qu’il était préférable pour elle de régulariser son séjour par le biais d’une demande d’asile ou d’une demande d’admission à titre exceptionnelle.
Le Préfet des Hauts-de-Seine ne conteste, toutefois, ni la qualité de victime de la prostitution de Mme X, ni les souffrances qui ont marqué son parcours migratoire, ni la réalité de l’engagement de cette dernière à sortir de la prostitution. […]
Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, qu’il y a lieu d’annuler la décision du 23 juillet 2020, d’admettre, par suite, Mme X au parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle […]
A défaut de ne pas remettre d’APS en raison de la demande d’asile de la personne, il est toutefois nécessaire de délivrer une autorisation de travail pour que le PSP puisse être efficient.
[2] Illustration : Sur certains territoires, le PDEC considèrent l’absence de dépôt de plainte (pour proxénétisme et TEH) comme un moyen de remettre en cause l’admission ou le renouvellement d’un PSP. (Exemples : départements 78, 92 et 95)