Communiqué d’associations de terrain accompagnant des milliers de personnes en situation de prostitution de tous pays, survivantes de la prostitution, associations de lutte contre les violences masculines françaises et européennes.
À la suite d’une requête déposée en 2019, la Cour Européenne des Droits Humains (CEDH) était amenée à se prononcer sur la pénalisation de l’achat d’actes prostitutionnels, accusée de « mettre en péril l’intégrité physique et psychique et la santé des personnes [pratiquant] la prostitution » et de menacer « le droit au respect de la vie privée des personnes prostituées et de leurs client ».
Dans cette décision rendue le 25 juillet, la CEDH a rejeté à l’unanimité l’ensemble de ces griefs.
Nous, associations de terrain accompagnant des milliers de personnes en situation de prostitution de tous pays, survivantes de la prostitution, associations de lutte contre les violences masculines, saluons cette décision de la CEDH. Il faut noter que cette décision a été prise à l’unanimité et sans ambiguïté. La Cour met en avant le caractère soutenu et démocratique du processus législatif de la loi de 2016 et reconnaît que la pénalisation des “clients” est indissociable du dispositif global de la loi. Elle reconnaît également que nul n’a aujourd’hui la capacité d’établir que la loi aurait eu un effet péjoratif sur les personnes prostituées et indique que la loi a pris en compte de manière extrêmement poussée la situation sociale et sanitaire des personnes.
Nous affirmons que le modèle abolitionniste est le système qui garantit la meilleure protection pour l’ensemble des personnes prostituées et qui permet l’accès à leurs droits élémentaires, en premier lieu la santé. Ainsi, la loi de 2016 forme un tout cohérent en agissant en soutien des personnes prostituées (parcours de sortie, mesures de protection), en sensibilisation du jeune public et en s’attaquant au proxénétisme et à la « demande ». Seule la reconnaissance de la prostitution en tant que violence permet un accompagnement efficace des personnes en situation de prostitution. Ce qui empêche les personnes prostituées d’accéder à leurs droits, ce n’est pas la loi : c’est son manque d’application.
Pour améliorer l’accès aux droits et à la santé pour les personnes prostituées, il faut renforcer l’application de la loi sur tout le territoire français.
Nous avons l’espoir que la décision de la CEDH donne un nouveau souffle à l’application de la loi en France ainsi qu’aux réformes législatives impulsées dans d’autres pays européens (Espagne, Allemagne, etc.)
Nous continuons de réclamer la mise en place des mesures suivantes :
- Offrir à toutes et tous une alternative à la prostitution : Permettre à toutes les personnes prostituées qui le souhaitent de sortir de la prostitution (multiplier les parcours de sortie et les améliorer par l’augmentation de l’allocation financière et la durée du titre de séjour pendant le parcours, la délivrance d’un titre à l’issue, et le financement de l’accompagnement) ;
- Initier de grandes campagnes nationales pour un changement de regard de la société, en priorité en direction des « clients » prostitueurs ;
- Mettre fin à l’impunité pour les prostitueurs, « clients » et proxénètes, notamment en ligne ;
- Généraliser la prévention pour assurer un avenir sans marchandisation pour les jeunes via le déploiement d’une véritable éducation à la sexualité ainsi que la prévention et prise en charge des mineur.es victimes de violences sexuelles ;
- Consentir l’effort financier à la hauteur de l’enjeu, estimé à 2,4 milliards d’euros sur 10 ans pour la France