La nécessité de poursuivre les efforts pour développer les parcours de sortie de la prostitution appuyée par la rapporteure spéciale Stella Dupont

Le rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021, dans son annexe 41 « Solidarité, insertion et égalité des chances » de la rapporteure spéciale Stella Dupont, appuie la nécessité de poursuivre les efforts pour développer les parcours de sortie de la prostitution (PSP).

 

L’Amicale du Nid, depuis la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, accompagne plus de la moitié de ces parcours en France. Comme le rapport inter-inspection publié cette année, elle déplore le manque de volonté politique dans la mise en œuvre de cette loi, sur tout le territoire (voir notamment ici et ).

Les points clés de cette loi sont :

  • L’abrogation du délit de racolage (pourtant le 22 octobre dernier, la mairie de Toulouse a renouvelé pour un an ses deux arrêtés anti-prostitution)
  • La responsabilisation des acheteurs (passibles d’une contravention de 1500€)
  • Le renforcement des moyens de lutte contre les réseaux et proxénètes
  • La mise en place des PSP
    Des actions de prévention et de sensibilisation  (la lutte contre la marchandisation des corps s’inscrit dans les thématiques relevant de l’éducation et de la citoyenneté)
  • La mise en place de commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains.

 

L’Amicale du nid se réjouit des éléments relatifs aux PSP inscrits dans ce rapport, qu’elle avait émis en audition le 15 octobre 2020 (voir ici).

 

En voici des extraits :

 

  • « La rapporteure avait consacré ses travaux du Printemps d’évaluation 2018 à la mise en œuvre du volet « accompagnement » des dispositions de la loi de 2016. Elle avait pu identifier différentes difficultés affectant la montée en charge des PSP, liées notamment à la lente installation des commissions départementales de lutte contre la prostitution, et à la faiblesse des moyens à disposition des associations.« 
  • « Les dispositifs de prise en charge des victimes effectuent une montée en charge hétérogène : en juin 2020, 75 commissions départementales de lutte contre la prostitution (CDLP) avaient été installées, mais 20 départements demeuraient dépourvus de commission. Par ailleurs, ces commissions n’ont pas toutes commencé à examiner des parcours de sortie, car les examens sont subordonnés à la présence dans le département d’au moins une association agréée et au dépôt de dossiers visant à commencer un parcours de sortie de la prostitution. Dans plus d’un tiers des départements, aucun dossier n’a été soumis à la CDLP. »
  • « Au terme de ses auditions, la rapporteure constate que la faible montée en charge des PSP découle (…) de la disparité d’appréciation des préfets concernant les critères d’entrée dans les parcours, ce qui se manifeste par une grande variété des taux de refus selon les territoires. Ces divergences portent en premier lieu sur la situation des demandeurs au regard du droit de séjour et en second lieu sur la caractérisation de l’exigence d’arrêt de la prostitution.
    Les associations accompagnant les personnes vers un parcours de sortie indiquent ainsi, sur ce dernier point, que les préfets exigent une période variable, d’un territoire à l’autre, d’arrêt de la prostitution comme préalable au dépôt d’un dossier. Cette situation entraîne une imprévisibilité importante des conclusions formulées par les commissions départementales. Les associations et les personnes en situation de prostitution sont ainsi incitées à ne pas déposer de dossier, ou à déposer un dossier dans les départements considérés comme plus souples.
    La rapporteure a ainsi pu prendre connaissance des documents encadrant les procédures de dépôt et d’instruction des parcours de sortie, ainsi que de plusieurs décisions rendues par une commission départementale. Il ressort de ces documents qu’en théorie, seul le fait d’avoir arrêté l’activité prostitutionnelle est exigé pour prétendre au bénéfice d’un parcours de sortie. Toutefois, en pratique, certaines commissions estiment qu’un arrêt supérieur à douze mois justifie une décision de refus.
    Concernant l’articulation entre les PSP et la détention d’un titre de séjour, les associations soulignent que le parcours de sortie de la prostitution peut être utilisé par les préfets comme un outil de régulation des migrations – certains préfets refusant le bénéfice du parcours aux personnes sous procédure « Dublin », ou considérant que le PSP est une modalité d’octroi d’un titre de séjour. Cela porte atteinte à la poursuite de l’objectif initial assigné aux parcours de sortie : la protection des personnes victimes de la prostitution.
    La rapporteure constate pourtant que les textes régissant l’accès au parcours de sortie disposent que la situation au regard du droit de séjour doit être examinée, mais qu’aucune situation n’est a priori excluante, y compris le fait d’avoir fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
    En conséquence, la rapporteure invite fortement le Gouvernement à donner une nouvelle impulsion à la mise en œuvre de la loi du 13 avril 2016. »
  • « Elle estime également, à l’instar de la mission d’évaluation et des associations agréées, qu’il est urgent d’harmoniser, par voie de circulaire, les critères conditionnant l’accès aux PSP. »
  • « La rapporteure estime également, dans la perspective de la création d’une nouvelle aide exceptionnelle de solidarité dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative, qu’il est nécessaire d’intégrer les bénéficiaires de l’AFIS dans le champ des publics éligibles à cette aide. »
  • « Plus généralement, la rapporteure considère que le montant de l’AFIS est particulièrement faible au regard du coût de la vie, freinant l’accès des bénéficiaires à un logement décent, et obstruant leurs perspectives d’inclusion. La rapporteure est donc favorable à ce que l’AFIS fasse l’objet d’une revalorisation significative. A minima, son montant pourrait être progressivement augmenté tout au long du parcours de sortie de la prostitution, pour atteindre le montant du RSA à taux plein en fin de parcours. »

 

Précisons que ce n’est pas parce que les PSP sont à ce jours insuffisants en nombre qu’il faut en baisser les crédits 2021 : il s’agit au contraire de donner aux associations les moyens d’assurer ces accompagnements longs et complexes, y compris en amont de l’entrée en PSP.