Lutte contre le trafic d’êtres humains et l’exploitation sexuelle : déclaration conjointe de Jean-Yves Le Drian et Margot Wallström

Déclaration conjointe de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères et de son homologue suédoise (8 mars 2019)

 

Les Gouvernements de la France et de la Suède sont fiers d’annoncer aujourd’hui, journée internationale des droits des femmes, leur décision commune de mettre au point une stratégie conjointe pour combattre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle en Europe et dans le monde.

La traite des êtres humains constitue une grave violation des droits de l’Homme, et la majorité des victimes identifiées sont des femmes et des filles, leur exploitation sexuelle étant la finalité de la traite dans la plupart des cas. Le nombre total de victimes a considérablement augmenté, ce qui va de pair avec l’accroissement sans précédent de la migration irrégulière et des déplacements forcés, dus en particulier aux conflits armés, aux persécutions et aux violations des droits de l’Homme. La guerre, l’absence de possibilités économiques, la discrimination et la violence sexiste exposent davantage les personnes déjà vulnérables aux abus, surtout dans les situations où la dégradation de l’Etat de droit permet aux trafiquants d’êtres humains d’agir en toute impunité.

La France et la Suède sont toutes deux résolues à favoriser les stratégies et les plans d’action globaux interministérielles dans leur propre pays pour régler le problème de la traite des êtres humains ainsi que pour renforcer la coopération internationale dans ce domaine. Les deux Gouvernements confirment leur intention de soutenir la campagne internationale de sensibilisation Coeur bleu, dont l’objectif est de lutter contre la traite des êtres humains et ses conséquences sur la société, ainsi que d’encourager d’autres États à participer.

Notre stratégie commune accordera une attention particulière à la nécessité de réduire la demande de filles et de femmes pour la prostitution, en Europe et dans le monde, car il existe un lien manifeste entre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et la prostitution. Ce lien est parfaitement décrit dans de nombreuses études et il est également mis en évidence par la Résolution du Parlement européen sur l’exploitation sexuelle et la prostitution et leurs conséquences sur l’égalité entre les hommes et les femmes (2013/2103(INI)). La traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ne cessera pas tant qu’il existera une demande de filles et de femmes pour la prostitution. Par conséquent, se concentrer sur la réduction de la demande sera une mesure importante pour lutter contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et contre les violences faites aux femmes et aux enfants, et pour renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes.

La France et la Suède se sont clairement prononcées contre la normalisation de la prostitution comme emploi. Nous sommes d’avis que la prostitution devrait toujours être considérée comme l’exploitation de la vulnérabilité d’une personne, et donc jamais comme un emploi. Considérer la prostitution comme du « travail sexuel » légal, dépénaliser l’industrie du sexe en général et rendre le proxénétisme légal ne sont pas des solutions pour protéger les femmes et les enfants en situation de vulnérabilité contre la violence et l’exploitation. Au contraire, cela les expose à davantage de violence tout en favorisant la croissance des marchés de la prostitution, et donc du nombre de femmes et d’enfants victimes d’abus.

La France et la Suède, ainsi que plusieurs autres pays, ont mis en place une législation dans laquelle c’est l’achat d’actes sexuels, et non le fait de se prostituer, qui est pénalisé. La personne prostituée, quant à elle, se voit offrir une assistance pour sortir de la prostitution. Ce type de législation, qui cible les acheteurs d’actes sexuels, a fait ses preuves tant pour réduire la demande que pour faire diminuer la prostitution. Les résultats en Suède, pays dans lequel cette législation existe depuis vingt ans, sont très positifs : la demande a considérablement baissé, le nombre de personnes se prostituant est relativement faible et le pays est considéré comme un marché qui présente peu d’intérêt pour la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. En 2016, une loi similaire a été promulguée en France, introduisant ainsi l’interdiction de l’achat d’actes sexuels, la dépénalisation totale du travail des personnes prostituées et la création d’une politique nationale de protection, d’assistance et de sortie de la prostitution pour les victimes de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains. Le Gouvernement français est convaincu que cette législation se révélera aussi efficace en France qu’en Suède.

La législation française a été remise en question récemment mais, le 1er février dernier, le Conseil constitutionnel l’a déclarée conforme à la Constitution. Parallèlement, un sondage réalisé en France par Ipsos a montré que 78 % des Français étaient en faveur de la loi de 2016 et que 74 % estimaient que l’achat d’actes sexuels était une forme de violence.

Tous les pays du monde ont accepté de mettre tout en oeuvre pour atteindre les objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Plusieurs de ces objectifs ciblent la traite des êtres humains, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’exploitation sexuelle et les violences faites aux femmes et aux enfants. Nos deux pays sont convaincus que l’interdiction de l’achat d’actes sexuels représenterait une étape majeure vers la réalisation de ces objectifs. Nous mettrons donc ce programme au premier plan de notre plaidoyer commun visant à combattre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle en Europe et dans le monde.