Réponse à l’article du journal Le Monde « Handicap : la pratique de la sexualité demeure taboue »

Une réponse parue sur le blog Le Monde des lecteurs, le 1er décembre 2018

 

La sexualité est-elle une pratique (sportive ?), un divertissement que l’on offre en fin de semaine aux personnes ayant un handicap ? Voire, une prescription médicale ? Dans un article du journal « Le Monde » paru le 1er décembre 2018, « Handicap : la pratique de la sexualité demeure taboue » la journaliste Solène Cordier rapporte l’embarras de l’entourage des personnes handicapées, qu’il soit familial ou professionnel devant l’expression d’un désir ou d’une sollicitation d’ordre sexuel venant de ceux qu’il accompagne.

 

Gêne devant l’érection d’un sexe d’adolescent, agacement face à des avances répétées chaque jour. Ne faudrait-il pas offrir une réponse à ce manque ? Ne conviendrait-il pas de faire appel à des « spécialistes » pour apporter une complémentarité aux accompagnants et la satisfaction du devoir accompli ?

 

Le manque d’intimité des lieux de vie collective est déploré et la revendication d’un accès à une vie affective et sexuelle sont bien perçus par « les associations – qui sont aussi bien souvent les gestionnaires d’établissements » et des recherches sont faites pour y répondre. Bien. « L’accès à une information sur la sexualité se développe ». Très bien. « La pratique demeure taboue. » Qu’est-ce à dire ? Que regrette-t-on ici ?

 

Prostitution ?

Nous poursuivons notre lecture et nous comprenons. L’idée poursuivie par APF France Handicap n’est pas de trouver réponse au manque d’intimité des personnes accompagnées et encore moins de réfléchir à leur vie affective. Non, la réponse est l’achat d’actes sexuels à des personnes extérieures aux établissements et cela a un nom : prostitution. On peut imaginer dans le futur que le médecin de l’institution prescrive une ou deux séances par semaine, remboursées par la sécurité sociale (ce remboursement existe dans certains pays), et qu’il examine quelque temps plus tard le patient (il y a fort à parier que ce seront 9 fois sur 10 des hommes) et lui demande s’il se sent soulagé.

 

Ce rythme lui suffit-il ? Et, se retournant vers les accompagnants : « Comment trouvez-vous maintenant M. X ? Est-il moins agité ? » Voilà qui est absolument novateur. Il conviendrait alors, de former les assistants sexuels – surtout des assistantes sexuelles, et de veiller à respecter des « principes d’éthique ». Parfait. Justement, à propos d’éthique, je me souviens que le corps n’est pas une marchandise et, qu’en conséquence, il ne peut être vendu ni loué. La prostitution est une violence extrême qui a des conséquences désastreuses sur la vie et la santé des personnes qui la vivent. Ce n’est pas un médicament pour personnes handicapées et c’est grand mépris à leur encontre que de répondre ainsi à leur quête de vie affective et sexuelle.

 

Marie-Hélène Franjou, médecin de Santé Publique et Présidente de l’Amicale du Nid.