assistance sexuelle:tout achat d’acte sexuel est une violence sexuelle et sexiste

Nous sommes dans une période, novembre, de rappel de la nécessité d’une lutte sans faille contre les violences masculines envers les femmes et les enfants. Elles sont toujours là, partout, variées, nombreuses, accrues par les conflits armés et les migrations, terribles par ce qu’elles disent des agresseurs, par les conséquences destructrices sur les victimes et par ce qu’elles montrent des structures profondes de nos sociétés.

 

Parmi les viols, incestes, harcèlements, coups, enfermements, violences psychologiques, féminicides il y a la prostitution et le système prostitutionnel qui concerne ceux qui le créent, les prostitueurs (clients et proxénètes-trafiquants), leurs victimes : les personnes prostituées, les institutions qui laissent faire ou promeuvent ce pur produit de la domination masculine et les médias qui entretiennent l’idée de pulsions sexuelles masculines incontrôlables (une essentialisation de la virilité) à satisfaire sous peine de désordres…Il y a celles et ceux aussi qui restent dans l’impensé d’une violence -et donc l’autorisent-, la prostitution, qui fait des millions de victimes chaque année dans le monde, femmes, enfants, personnes trans et hommes et une massive mise en esclavage.

 

Pour maintenir en place cet élément important du rapport social de sexe, la mise à disposition des corps des femmes, leur exploitation sexuelle au profit des hommes, tout est bon, même l’appel aux bons sentiments comme le font ceux (et quelques celles) qui réclament ou mettent en place une « assistance sexuelle » pour les personnes en situation de handicap.

 

Cette « idée », devenue réalité, de créer une « assistance sexuelle », n’est pas une assistance à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap mais l’offre à des hommes puisque c’est eux qui le demandent en grand nombre, d’un « service sexuel » apporté par une personne qui est ou serait rémunérée pour cela.

 

En fait il s’agit de prostitution habillée de compassion pour ceux qui disent ne pouvoir accéder à la jouissance sexuelle seuls ou en relation avec une autre personne. Il s’agit de contourner la loi abolitionniste de la France, celle du 13 avril 2016, qui sanctionne le proxénétisme et les clients de la prostitution.

Toute une énergie et un lobbying sont mis en œuvre pour obtenir cela. Nous l’avons constaté lors d’une table ronde organisée lors de l’université d’été du CNCPH, Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, les 18-20 septembre 2023, intitulée « assistance sexuelle qu’est-ce qui bloque ? ». C’est avec stupéfaction que nous avons appris que le Département de Meurthe et Moselle, par un projet-expérience soutenu par la première vice-présidente du conseil départemental, s’engageait sur la voie de la mise à disposition de personnes payées aux personnes handicapées qui demanderaient des actes sexuels.

 

La loi abolitionniste de 2016 ne peut en aucun cas subir des exceptions.

Pensez à une loi abolitionniste de l’esclavage qui permettrait des exceptions…. La loi de 2016 doit être totalement appliquée et renforcée quant aux sanctions contre les clients. Au lieu de cela, la volonté politique manquant sur ce sujet comme sur le sujet général de l’égalité entre les femmes et les hommes, le développement de l’assistance sexuelle s’est fait en France à bas bruit et ses tenants ont diffusé leurs plaidoyers dans les instituts de formation de travailleur·ses sociaux·ales, avec certainement le projet d’ouvrir une option « service sexuel » dans les formations proposées… Tout pour conforter les représentations attentatoires à la loi abolitionniste et réglementaristes de la prostitution comme travail, « travail du sexe ». Toute brèche dans la loi de 2016 serait une remise en cause de la loi et ce serait, comme le dit le CCNE (Conseil Consultatif National d’Ethique), s’affranchir des principes éthiques qui s’y réfèrent.

 

La plupart de ces demandeur·ses de « prostitution spécifique » ont une très, trop, faible conscience que la violence et toutes sortes de violences rodent autour et dans la sexualité. Iels ne veulent pas voir la violence que constitue l’utilisation d’autrui comme objet sexuel et demandent donc la formation et le suivi des personnels affectés à ces tâches. Qui va former ces intervenant·es (certainement plutôt des femmes), comment vont être organisés les travaux pratiques ? Parents, si votre fille choisit de faire des études de travail social, méfiez-vous ! 

 

Hélas, une association créée par Marcel Nuss connu pour son opposition violente à la loi de 2016, a mis en place depuis quelques années une formation d’assistanat sexuel. L’Etat a laissé faire et des instituts de travail social ont osé faire la publicité de ces formations. Mais pour contourner la rareté des candidates, n’est-il pas fait appel à des femmes vulnérables, exactement les mêmes qui sont recrutées par les proxénètes, voire à des femmes qui seraient déjà en situation de prostitution ? Dans la table ronde évoquée était invitée une personne qui se disait escort et qui faisait de « l’assistance sexuelle », une prostitution qu’on ne va pas tarder à voir appelée « prostitution éthique ». 

 

Pour emporter le consensus, les promoteurs·rices d’une mise en place officielle de l’assistance sexuelle, affichent une prudence équivoque et ne craignent pas le ridicule.

Ainsi le projet du Département de Moselle qui enfreint la loi, est de ne pas aller jusqu’à la pénétration dans cette prestation sexuelle, comme si seule la pénétration était un acte sexuel, certes potentiellement le plus agressif, mais l’agression sexuelle est faite aussi d’attouchements, de paroles, de modes divers de coercition du corps de l’autre. Et qui assistera à la séance pour contenir les actes, interdire la pénétration ?

 

Vraiment celleux qui promeuvent l’assistance sexuelle jouent avec le feu et surtout avec les vulnérabilités des personnes. Rappelons que dans cet arrangement pour service sexuel il y a deux acteurs·trices :

D’une part le client, personne en situation à des degrés divers de handicap, qui paie ou pour lequel la collectivité paie et qui comme les autres clients de la prostitution est violent dans sa demande et sa pratique de chosification de l’autre et peut exiger et exercer diverses formes de violences pendant la séance. Pourquoi un homme en situation de handicap ne ferait pas partie du système de domination masculine ? Une façon bizarre de mettre à part des hommes que l’on juge tellement vulnérables qu’ils ne peuvent faire violence à d’autres. Pourtant nous avons des exemples du contraire.

 

D’autre part le ou la « prestataire de service » : dès que l’on a approché la situation et la vie des personnes prostituées, on connait les vulnérabilités et les emprises qui les ont amenées à la prostitution et les conséquences, souffrances et atteintes graves à leur santé. Toute effraction de l’intimité est traumatisante, un titre « d’assistant·e sexuelle » ne l’évitera pas mais par contre banalisera la prostitution et la transformera en bienfaisance, comme souvent encore dans les représentations : porter secours à des hommes en « besoins irrépressibles ». Il faut aussi penser aux prestataires hommes qui verraient dans cette « activité » une façon de violer sans risque pour eux des personnes vulnérables, femmes, hommes, trans.

 

Pendant la table ronde évoquée, un député socialiste qui avait mis un certain temps à comprendre la nécessité de la loi abolitionniste de 2016, et qui avait eu le projet de l’assistance sexuelle dans son Département, a proposé de faire appel à des bénévoles pour cette « assistance sexuelle ». Naïveté ou duplicité ?

 

Si deux personnes ont un attrait réciproque, l’une pour l’autre, alors elles peuvent avoir une relation sexuelle et cela ne s’appelle pas du bénévolat. Mais si par bénévolat, on entend que des femmes qui savent et aiment se sacrifier, aider les autres, prendre soin etc. -c’est leur vocation n’est-ce pas ? – peuvent décider de prendre en charge bénévolement les actes sexuels désirés par des hommes en situation de handicaps -et c’est de cela qu’il s’agit-, le propos relève de la discrimination et d’une atteinte profonde et violente aux droits des femmes et à l’égalité.

 

Et pour couronner le tout, le CNCPH organisateur du colloque avait mis en avant une femme cette fois-ci pour défendre « l’assistanat sexuel ». Malin·es !

Rémi Gendarme-Cerquetti, handicapé, cinéaste et auteur de « Je n’accepterai aucune assistante sexuelle si lui faire l’amour ne la fait pas elle-même trembler de plaisir (FLBLB Éditions) »   n’a pu être vraiment entendu à cause d’une défaillance technique. Dommage !

 

Il faut lutter contre cette fausse solution, cette nouvelle violence que l’on mettrait en place légalement. Nous sommes en total accord et soutien avec la FDFA, Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, association féministe et abolitionniste, qui présente un argumentaire complet et précis contre l’assistance sexuelle sur son site.

 

Encore une fois, nous refusons toute atteinte à la loi abolitionniste de 2016 et exhortons les responsables politiques à la faire appliquer dans son entièreté.

Cette position n’est pas contraire à une réflexion et à des actions à propos de la sexualité et de  l’inclusion dans la société des personnes en situation de handicaps physiques et mentaux.

 

Mais commençons par rappeler que la pulsion sexuelle n’est pas irrépressible à partir du moment où le cerveau fonctionne ; par contre les hommes en particulier, inscrits dans le système de domination masculine qui les avantage, usent et abusent de cette fable de l’irrépressibilité et de la légitimité de leurs besoins pour violer, incestuer, prostituer, pornographier. La question du handicap mental se pose, certes, puisque là, il peut y avoir défaillance du cerveau pour contrôler les pulsions. Mais la solution ne peut être la prostitution d’autres à leur service. C’est aux chercheur·ses, soignant·es, et accompagnateur·rices (travail social), en relation avec les personnes concernées, de proposer des solutions respectueuses de la dignité de tous et toutes.

Pourquoi par ailleurs mettre cette lumière sur les personnes en situation de handicap ? Pour tranquilliser nos consciences ?

 

Il y a plein de personnes, de toutes sortes, qui sont isolées ou qui ne trouvent pas de partenaires et qui n’ont pas d’activité sexuelle. Faut-il organiser pour autant un service sexuel national, en clair développer bordels et salons de massage déjà très nombreux dans un pays abolitionniste comme la France et qui devraient être fermés par l’Etat dont la Constitution met en avant l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Mais attribuer ou proposer un service particulier aux personnes handicapées c’est les mettre à part, voire les criminaliser en tant que client -prostitueur. C’est ne pas les considérer comme des partenaires comme les autres.

 

Bien sûr la liberté d’avoir une vie sexuelle, chercher et avoir du plaisir et avoir le droit de vivre sa sexualité en paix, sont très importants. Le Comité consultatif national reconnait pour les personnes handicapées le droit à une vie intime et sexuelle, certes ! Mais le droit à la sexualité avec un·e partenaire ne peut réellement exister, il n’est pas opposable puisqu’il ne dépend pas directement d’une subvention, d’un accompagnement mais de l’existence du désir d’un·e autre. La compensation que l’on doit aux personnes handicapées dans une société de solidarité ne peut être organisée sur la violence faite à d’autres (acte sexuel tarifé ou pas). La dignité des un·es ne s’obtient pas par l’indignité des autres. Par contre faire tout pour que les personnes en difficulté, isolées, en situation de handicap… se rapprochent des conditions de la vie dite normale (y-en-a-t-il une ?), exercent leur liberté, leur citoyenneté, fassent des rencontres à partir desquelles elles peuvent avoir une vie affective et sexuelle, c’est le sens dans lequel il faut agir et former les travailleur·ses sociales et les divers aidant·es-soignant·es. Il faut organiser les aides et les établissements de façon à rendre inclusive la vie des personnes handicapées, c’est évident ! C’est plus difficile, il est vrai, que d’accompagner un homme chez une personne prostituée…

 

Difficile est, oui, ce qui touche au sexuel, à la vie intime : mettre dans un lit deux personnes qui veulent avoir un rapport sexuel et qui ne peuvent pas s’organiser seules, mettre à disposition un sextoy pour la masturbation, par exemples, demande une intervention humaine qui n’est pas de la prostitution, mais qui met en jeu l’intimité et le rapport au sexe et des demandeur·ses et des aidant·es.  Ces dernier·es peuvent être bousculé·es par ce rôle, même s’iels acceptent de le faire au départ. De la même façon les personnes handicapées qui ont besoin d’une intervention pour réaliser une vie sexuelle peuvent être gênées d’être aidées par la personne qui est présente à leurs côtés pour la vie courante. Tout cela mérite une profonde réflexion et une grande prudence qui ne doit pas être déviée par le désir de bienfaisance et le sentiment de compassion mais qui doit se baser sur les conditions de dignité, de non chosification du corps de l’autre, d’égalité entre les femmes et les hommes.

 

La règle de base pour traiter cette question est que personne ne peut exiger de l’autre un soulagement sexuel. Quelqu’un·e a-t-iel dit à cette femme qui a déclaré avoir fait jouir son fils qui devenait intenable, qu’elle avait commis un inceste ? Les jeunes handicapé·es doivent comme les autres, être protégé·es et recevoir une prévention sur les violences sexuelles et sexistes ; comme les autres, les garçons en situation de handicap doivent être éduqués à la remise en question de la domination masculine.

 

En tant qu’association féministe et abolitionniste, l’Amicale du Nid combat les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes la plupart de femmes et en particulier les femmes en situation de handicap comme le souligne souvent la FDFA. Elle refuse toute forme de violences et de marchandisation du corps humain et particulièrement du corps des femmes.

 

Amicale du Nid, association laïque, féministe et abolitionniste