Consentir à se mettre à disposition d’autrui n’est pas la liberté

Une interview de Muriel Fabre-Magnan, professeure de droit à l’Université Paris 1, à retrouver en intégralité sur le site de la revue du Mouvement du Nid « Prostitution et société ».

 

Que peut-on opposer comme argument juridique à ceux qui affirment que se prostituer fait partie de la liberté de disposer de son corps, au nom du « mon corps mon choix » ?

« On peut parler d’une liberté de disposer de son corps si on entend par là la faculté de porter atteinte à son propre corps, par exemple en cessant de manger, en buvant, ou encore en s’entaillant le corps voire en se coupant un doigt. On a même le pouvoir de mettre fin à ses jours. Toutes ces « libertés » sont cependant plutôt des pouvoirs de fait, car le droit n’interviendra pas vraiment pour les soutenir (quelqu’un qui empêcherait une personne de se suicider ne pourrait ainsi sans doute pas être condamné pour entrave à la liberté d’autrui). Dès qu’il s’agit en revanche d’un rapport à autrui, c’est un principe d’indisponibilité du corps humain qu’il faut appliquer. Le consentement à ce qu’autrui porte atteinte à notre corps est alors inopérant (en dehors de cas particuliers comme la médecine bien sûr). La prostitution entre dans ce cas, où l’on prétendrait appeler liberté le consentement des personnes à se mettre à la disposition d’autrui. »