[CP] JUSTICE – Procès d’un réseau de traite des êtres humains à Montpellier : quelle place pour les victimes à l’audience ?

Communiqué de presse, 23 février 2023

 

Du 7 au 10 février dernier s’est tenu au Tribunal correctionnel de Montpellier le procès d’un réseau de proxénétisme et de TEHES implanté en France, en Espagne, en Roumanie et en Colombie. Sur le banc des accusé-e-s, quatorze mis-e-s en cause ; et si cinq victimes se sont constituées partie civile, seule une sera présente dans la salle d’audience tout au long du procès. Suivant le modèle des « sex tours », ce réseau exploitait des femmes originaires d’Amérique Latine un peu partout en France, de Niort à Avignon en passant par Nîmes, Perpignan et Montpellier ; et ce depuis 2014.

 

L’Amicale du Nid, aux côtés d’une victime accompagnée, s’est constituée partie civile dans cette affaire qui revêt une ampleur particulière, ne serait-ce que par la physionomie du réseau en question. Celui-ci était effectivement constitué de deux branches, l’une roumaine, l’autre colombienne, qui mutualisaient les moyens d’exploitation, à savoir le recours à des sites internet hébergeant des annonces prostitutionnelles ou encore l’utilisation de call centers situés en Espagne. Considérant le nombre de personnes poursuivies et la nature des faits renvoyés devant le tribunal – proxénétisme aggravé avec violences, traite des êtres humains en bande organisée et blanchiment, le nombre de victimes identifiées lors de l’investigation est pourtant resté faible, ce que nous déplorons. De la même manière, nous constatons que ces faits ont une fois de plus été renvoyés devant un tribunal correctionnel, quand bien même ils relèvent de la cour d’assises.

 

Ainsi, la prise de parole à l’audience d’une des victimes prenait une importance toute particulière ; pour autant, les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée n’ont pas été satisfaisantes. Entendue dès le premier jour d’audience, Madame n’a pas eu le temps de se préparer. De plus, les allées et venues des mis-e-s en cause, dont la majorité était sous contrôle judiciaire, n’ont pas permis de créer un environnement sécurisant pour la victime. Cela pose à nouveau la question de la place de la victime dans le procès pénal et confirmer la pertinence, d’une part, de la mise en place de calendriers d’audience afin que les victimes puissent anticiper au mieux leur prise de parole et, d’autre part, de l’aménagement des audiences pour des infractions de cette nature. En effet, le recours à la visio conférence lorsque les ressources techniques des juridictions le permettent, ou à la sécurisation des audiences par la mise en place d’horaires et de sorties différenciées permettent d’éviter toute rencontre et éventuelles intimidations entre victimes et mis-e-s en cause et, ainsi, de réduire l’exposition des victimes.

 

Considérant la nature des faits, l’étendue géographique du réseau et les violences exercées sur les victimes, l’on ne peut que s’étonner que la majorité des mis-es en cause aient été condamné-e-s à des peines inférieures à trois ans. Exploitée pendant plusieurs années, victime de proxénétisme, de violences sexuelles et psychologiques importantes, la personne accompagnée par l’Amicale du Nid a obtenu une indemnisation bien plus faible que ce qui avait été demandé à l’audience ; à savoir 5000 euros. Cette indemnisation se place bien en deçà des montants alloués dans des décisions antérieures pour des faits & préjudices similaires, ce qui ne peut également qu’étonner et interroge sur la prise en compte des préjudices & séquelles spécifiques à l’exploitation sexuelle.

 

L’Amicale du Nid accompagne les victimes tout au long de la procédure pénale pour faciliter l’accès à la réparation et sensibiliser aux conséquences de la prostitution sur les victimes, très exposées durant les procédures judiciaires, ainsi que le précise Madame à propos de l’audience : « J’ai trouvé que tout allait trop vite, je n’ai pas eu de temps. C’était très, très  difficile. Et pour l’indemnisation, honnêtement, je me suis sentie insultée. »

 

Madame, au même titre que le Parquet, a interjeté appel de la décision.

 

 

Contacts presse · Amicale du Nid :

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Marie-Hélène FRANJOU, Présidente – 06 83 24 94 75

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