Colloque à l’Assemblée nationale le 13 décembre 2022 : La lutte contre le système prostitutionnel, enjeu fondamental de l’égalité femmes-hommes

Le 13 décembre 2022, avait lieu un colloque relatif à la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

Ce colloque a eu lieu sur proposition de Catherine Coutelle, présidente de l’Association des anciennes députées.

Véronique Riotton et Annick Billon, présidentes des deux Délégations aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes de l’Assemblée nationale et du Sénat ont introduit la rencontre en rappelant l’importance de cette loi dont les quatre piliers sont :

  • Le renforcement de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ;
  • La dépénalisation des personnes prostituées (la pénalisation du racolage passif avait été introduite en 2003) et l’accompagnement de celles qui souhaitent sortir de la prostitution ;
  • La prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution ;
  • L’interdiction de l’achat d’actes sexuels et la responsabilisation des « clients » de la prostitution.

Isabelle Lonvis-Rome, ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances est intervenue en début de séance pour affirmer son soutien à l’application entière de la loi et à l’intégration de l’abolitionnisme dans la diplomatie française.

Maud Olivier, ancienne députée, rapporteure et co-autrice de la loi évoque les nombreuses sollicitations qui lui sont faites depuis l’étranger pour venir parler de la loi française.

 

La parole a ensuite été donnée aux associations abolitionnistes et aux survivantes :

  • Marie-Hélène Franjou, présidente de l’Amicale du Nid, a tracé l’état des lieux en France, les hommes acheteurs d’actes sexuels à l’origine de la prostitution et qui la font, les victimes que sont en très grande majorité des femmes et des enfants, surtout des filles, des hommes parfois et des personnes trans dans la situation d’êtres dominés par des hommes comme les femmes le sont du fait du patriarcat. Le nombre des personnes en situation de prostitution seraient d’environ 40 000 dont quelque 10 000 mineur·es. Seules quelques pour cent sont d’origine française, les autres viennent d’Asie, d’Amérique Latine, d’Afrique subsaharienne, du Maghreb, d’Europe (UE ou hors UE), une variabilité est observable d’un département à un autre.
    Des centaines de personnes en situation de prostitution sont sur des listes d’attente pour être accompagnées, notamment vers un parcours de sortie de prostitution, et les associations abolitionnistes ne peuvent répondre en raison d’un manque de moyens.
    Le parcours de sortie de prostitution (PSP) est un formidable tremplin pour les personnes par l’espoir donné et la reconnaissance de leur statut de victime. Des insertions socio-professionnelles ont été obtenues. Le PSP, moyen donné par la loi est très aidant et fonctionne.
    La prostitution des mineur·es renvoie au recours fréquent des jeunes et des très jeunes à la pornographie et à l’insuffisance, sinon à l’absence d’éducation à la vie affective et sexuelle.
    Tout se tient et c’est pourquoi il est essentiel d’agir à tous les niveaux :
    Les auteurs de ces violences doivent être responsabilisés et comprendre qu’ils sont à l’origine de l’exploitation sexuelle de personnes humaines et qu’ils sont eux-mêmes des exploiteurs.
    La population doit être informée de la réalité de la prostitution et de ses effets destructeurs.
    La prévention des violences ne peut s’envisager sans un apprentissage de l’égalité entre les femmes et les hommes dès le plus jeune âge.

La prostitution n’est ni un travail ni un choix de vie. Toutes les personnes en situation de prostitution ont vécu des violences avant leur captation par la prostitution et elles en vivent bien d’autres par la suite comme en témoigne Anne Darbes. Sa vie à l’Aide Sociale à l’Enfance et après a été un enfer…

  • La représentante de la Fédération Nationale des CIDFF a évoqué ce que sont les PSP et comment ils sont attribués par décision préfectorale sur avis de la commission ad hoc. Elle dit aussi que les 570 PSP sur le plan national pour 40 000 personnes depuis 2016, c’est peu, fort peu… Il est en effet impératif de passer à une vitesse bien supérieure et cela demande des moyens et une volonté politique.

Hope venue d’Afrique subsaharienne, a eu, elle aussi, une enfance terrifiante qu’elle décrit en quelques mots.

  • Frédéric Boisard, de la Fondation Scelles, anime avec la survivante Rosen Hicher des stages de sensibilisation à l’achat d’acte sexuel destinés à des « clients »/acheteurs pénalisés. Il n’est pas certain que ces séances réussissent à convaincre tous les hommes présents mais elles les font réfléchir, surtout quand ils entendent Rosen Hicher qui a vécu 22 années en situation de prostitution, en connait toutes les violences et ne s’en laisse pas conter : « Certains expliquent qu’ils viennent voir les dames parce qu’ils sont timides ! ». Elle en doute beaucoup et le leur dit.
  • Claire Quidet, présidente du Mouvement du Nid, évoque la prostitution des enfants et sa croissance très inquiétante.

Alexine Solis, jeune survivante, parle des violences sexuelles intrafamiliales et l’inceste qui détruisent, du stress post-traumatique non traité, de la recherche d’information sur la toile et du visionnage de pornographie pendant des années qui finit par banaliser complètement l’acte sexuel et son achat. « Subir des rapports sexuels sans désir (comme dans l’inceste), et bien souvent avec la terreur du danger imminent qu’on réprime (comme dans l’inceste), donc dissociation (comme dans l’inceste), ça ne fait que dégrader une santé mentale assez bien détruite au préalable »