Communiqué de presse inter-associatif, 3 octobre 2022
Les 40 associations qui ont décidé d’unir leurs voix pour dénoncer cette atteinte aux droits humains fondamentaux à grande échelle, saluent la publication du rapport du Sénat « l’Enfer du décor » le 28 septembre 2022. Il marque un tournant dans la prise de conscience de la société sur ce qui se cache réellement derrière l’appellation de « films pornographiques ».
L’industrie est maintenant dos au mur. Les différentes procédures judiciaires, pour viols, traite des êtres humains, proxénétisme et actes de torture, relatées par les médias, et notamment les enquêtes du Monde, rendent le constat d’autant plus accablant. L’industrie pornographique base sa lucrativité sur la mise en extrême danger de femmes prises dans la violence d’un système destructeur, sacrifiées sur l’autel de pseudo pulsions sexuelles de certains hommes.
Une industrie proxénète
Nous exigeons une reconnaissance politique et judiciaire de l’industrie pornographique comme industrie proxénète, faisant appel à tous les ressorts du système prostitueur pour maintenir des femmes sous emprise, dans la précarité, et dans le silence. L’impunité doit cesser. Les lois existantes doivent être appliquées.
Méthodes de recrutement proxénètes, système agresseur, réification des femmes, torture, actes de barbarie, traite des êtres humains : le rapport du Sénat expose la réalité de cette industrie que beaucoup d’entre nous dénoncent depuis des années. Nous saluons la qualité du rapport et l’engagement transpartisan de ses rapporteures. L’analyse est précise, le constat sans appel : les violences commises dans le cadre de la pornographie ne sont pas des dérives. La violence est intrinsèque au fonctionnement de l’industrie pornographique.
Les verbatim d’associations
« Ce rapport s’inscrit dans un contexte de libération de la parole des victimes de l’industrie pornographique. Plus de 60 victimes sont aujourd’hui identifiées dans les affaires “Jacquie et Michel” et “French Bukkake” », a souligné Céline Piques d’Osez le Féminisme! lors de la conférence de presse. C’est grâce à leur courage et à leurs témoignages que tout ce travail a pu être effectué.
« Lorsqu’on parle de porno, on ne parle pas de création artistique, ni de sexualité. Les représentations véhiculées par cette industrie promeuvent la culture du viol, et érotisent les violences faites aux femmes », a-t-elle poursuivi.
Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du Nid, a souligné la porosité entre pornographie et prostitution : « la réalité, c’est que les vidéos pornographiques sont de la prostitution filmée, comme en témoignent les parcours de vie et de vulnérabilités des centaines de personnes accompagnées par l’association, et qui ont bien souvent connu les deux systèmes. »
Haine sexiste et raciste
Par ailleurs, Claire Charlès des Effronté·es a dénoncé « les synopsis des vidéos d’appel à la haine sexiste et raciste. Certaines, regroupées sous la catégorie “interraciale” font appel à l’imaginaire colonialiste. Ces vidéos sont tout simplement illicites et tombent sous le coup de la loi ».
Il est temps que les autorités compétentes, comme Pharos et l’Arcom, s’emparent du sujet.
Françoise Brié de la Fédération Nationale Solidarité Femmes a souligné « l’importance de reconnaitre la pornographie et la prostitution comme faisant partie du continuum des violences contre les femmes, rappelant notamment que de nombreux conjoints, parfois proxénètes, obligent leurs femmes qu’ils violentent à regarder, parfois avec leurs enfants, des vidéos pornographiques. »
« L’industrie pornographique érige l’inceste au rang de fantasme. Le lien entre pédopornographie et pédocriminalité est évident », a souligné Arnaud Gallais de Be Brave France.
Mise en danger
L’industrie pornographique met en danger les femmes qui tournent dans les vidéos qu’elle produit, mais aussi toute une génération de jeunes, voire de très jeunes, pour qui les images pornographiques deviennent des références en matière de sexualité.
La pornographie infuse nos représentations de la sexualité et fait obstacle à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment au travail où « certains patrons souhaitent recréer des scénarios de films pornographiques avec des salariées. La pornographie telle que nous la connaissons aujourd’hui met en danger toutes les femmes, que ce soit sur les lieux de tournage ou non », a rappelé Mathilde Cornette, juriste à l’AVFT, Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.
Delphine Jarraud, déléguée générale de l’Amicale du Nid a rappelé « l’absolue nécessité de l’éducation à l’égalité femmes-hommes et de l’éducation à la vie affective et sexuelle ».
« Le porno, ce n’est pas du cinéma » concluent les associations qui composent cette nouvelle coalition engagée contre l’industrie pornographique. « Les violences sexuelles sont réelles, les actes de torture et de barbarie sont réels, la souffrance est réelle, les femmes qui subissent ces sévices sont réelles ».