13 avril:7 ans de la loi prostitution, l’État doit s’engager pleinement pour l’égalité et la justice

En 2016, la France faisait le choix nécessaire de mettre fin à la violence machiste que constitue la prostitution. Pour cela, une loi juste et courageuse a été adoptée prévoyant la dépénalisation des personnes prostituées (à 80% des femmes et à 90% d’origine étrangère ), la mise en place de parcours de sortie de prostitution , d’actions de prévention, et l’interdiction de l’achat d’actes sexuels (commis à 99% par des hommes). La loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées comporte ainsi des mesures pour mieux protéger les victimes de ce système violent et pour s’attaquer à la demande pour l’achat d’actes sexuels, sans laquelle la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle n’existeraient pas .

En 2017, le mouvement #MeToo a renforcé la prise de conscience de notre société qu’il ne pouvait y avoir d’égalité entre les femmes et les hommes et de véritable liberté sexuelle tant que les hommes continueront d’infliger des violences sexistes et sexuelles aux femmes et aux filles.
La prostitution sous toutes ses formes, y compris filmée, est une violence des plus extrêmes. Sexiste, raciste, florissant sur le terreau de la misère et des violences intrafamiliales, elle est à l’intersection de toutes les oppressions. Les nombreux témoignages des survivantes de la prostitution le démontrent : il n’y a pas de liberté ni de consentement réel dès lors que l’acte sexuel est imposé par l’argent.

 

En sept ans, la loi a produit des effets importants :

  • Aucune personne prostituée n’a été condamnée (contre 2 000 par an, avant la loi).
  • Au 1er janvier 2023, 643 personnes ont bénéficié d’un parcours de sortie. Parmi les personnes accompagnées par les associations du groupe FACT-S , 87.5% ont trouvé un emploi stable.
  • Le nombre d’enquêtes criminelles concernant le proxénétisme et la traite a augmenté de 54% dans les trois premières années d’application de la loi.
  • Près de 2,35 millions d’euros confisqués aux proxénètes ont été réinvestis dans la protection et la réinsertion des victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle
  • La société a pris conscience de l’ampleur de la prostitution des enfants et des jeunes, amplifiée par les outils technologiques modernes.

 

Toutes ces avancées importantes ont eu lieu malgré un engagement timide de l’Etat dans la mise en œuvre de la loi.
Dans le débat public, la banalisation de la prostitution s’accentue. L’absence de parole forte de la part de l’Etat sur le sujet laisse la place à un courant ultra-libéral qui assène au sein des institutions, de la presse et du mouvement social, l’idée que « le sexe » pourrait être un travail comme un autre. De nombreux contenus sur les réseaux sociaux mettent en avant l’argent soi-disant facile ainsi que l’épanouissement professionnel que procurerait cette activité.

Pour satisfaire l’ambition de notre politique publique, un réel portage politique et des moyens à la hauteur de l’enjeu doivent être engagés pour permettre :

  • Le déploiement d’au moins 4000 parcours de sortie chaque année ;
  • La lutte accrue contre le proxénétisme ;
  • L’application des sanctions prévues par la loi à l’encontre des hommes qui achètent des actes sexuels à des femmes et des enfants ;
  • La fin de la tolérance de l’Etat face aux arrêtés illégaux de pénalisation des personnes prostituées ;
  • La formation des professionnel·les, notamment celles et ceux qui prennent les plaintes des victimes, encore trop mal reçues dans les services de police ;
  • La mise en place d’une réelle éducation à la sexualité, libérée des violences ;
  • Le renforcement de la diplomatie abolitionniste de la France sur la scène européenne et internationale

Nous le clamons haut et fort à nouveau : une société ne peut pas prétendre bâtir l’égalité réelle entre les sexes quand les hommes, qui représentent la quasi-totalité des acheteurs d’actes sexuels, sont éduqués en sachant qu’ils pourront, un jour, imposer un acte sexuel par l’argent.

Sept ans après son adoption, notre pays doit redoubler d’efforts pour que la loi s’applique pleinement et avec des moyens à la hauteur de son ambition : plus que jamais, le mouvement féministe soutient l’abolition de la prostitution et demande à l’Etat de prendre ses responsabilités en déployant des ressources à même de garantir sa mise en œuvre effective pour tou·tes.
Nous demandons des moyens à la hauteur des ambitions exprimées. Nous demandons des ressources suffisantes pour l’accompagnement des victimes. Nous demandons la justice, l’égalité et la dignité pour toutes les filles et pour toutes les femmes.