Lutter contre les violences faites aux enfants : appréhender les nouvelles formes de prostitution des mineur·es

Le 30 Septembre 2020 au Ministère de la Solidarité et de la Santé, Adrien Taquet, Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles, a introduit un groupe de travail destiné à lutter contre la prostitution des mineur·es en France.

 

Ce groupe s’inscrit dans le cadre du Plan de lutte contre les violences faites aux enfants, présenté le 20 novembre dernier et disposant d’une mesure relative à la prostitution des mineur·es.

 

Catherine CHAMPRENAULT Procureure générale près la Cour d’Appel de Paris conduira les travaux :

« Notre groupe, pluridisciplinaire, ne doit pas s’arrêter aux constats mais doit explorer prévention primaire, secondaire et tertiaire. Tous les leviers doivent être activés : en amont en 1er lieu, pour détecter la prostitution en cours le plus tôt possible, arrêter les proxénètes, rendre conscientes les adolescentes de leur victimisation, victimes de leur proxénète, qui ne mérite jamais le nom de protecteur, éviter le retour à la prostitution, travailler avec les parents, les juges, les associations, pour la sortie de la prostitution. Comparution au plus vite des auteurs. Faire sortir les jeunes du piège ou de l’enfer ».

 

« Aujourd’hui, les femmes du monde entier se sont levées pour ne plus accepter les violences sexuelles, le harcèlement sexuel. Paradoxalement certaines jeunes filles et garçons sont inscrit·es dans la prostitution qui est une autre violence sexuelle.

C’est un constat qui est dur mais ne démoralise pas. »

 

L’Amicale du Nid, conviée, a répondu présente. Elle participera activement aux travaux engagés, afin de valoriser son expertise et ses partenariats.

 

L’engagement de l’Etat dans une recherche d’appréhension de la prostitution des mineur·es est tout à fait satisfaisant, même si on peut regretter qu’elle ne soit pas faite en lien avec le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Notre association n’a cessé de dénoncer la prostitution des jeunes dont elle a observé la progression au cours des dernières années et ses statuts ont d’ailleurs intégré la lutte contre la prostitution des enfants dès 2010. L’Amicale du Nid forme et sensibilise les professionnel·les de la protection de l’enfance à cette question et est à leurs côtés dans plusieurs départements pour accompagner des jeunes confié·es à l’Aide Sociale à l’Enfance (à Marseille, Paris, en Seine-Saint-Denis, depuis septembre à Lyon, bientôt dans l’Hérault et en projet à Toulouse…). Elle produit également du matériel de prévention (campagne « J’ne suis pas à vendre ! » par exemple[1]) et intervient dans des établissements scolaires et foyers pour parler de la prostitution. Elle conduit par ailleurs des diagnostics territoriaux sur la prostitution des mineur·es, en lien avec les acteurs·trices institutionnel·les et de terrain (dans le Val-d’Oise et les Hauts-de-Seine).

 

Les enfants ont le droit à la protection, les adultes ont le devoir de les protéger… et pourtant on estime entre 6 à 10 000 le nombre de mineur·es en situation de prostitution en France, très majoritairement des jeunes filles. Il s’agit d’une prostitution protéiforme, où il est fréquent que les victimes ne se considèrent pas comme telles, avec parfois des proxénètes à peine plus âgés qu’elles. Le phénomène s’amplifie via Internet et les réseaux sociaux.

 

De nombreuses femmes adultes en situation de prostitution le sont depuis leur enfance, parfois depuis un très jeune âge : 14 ans voire 12 ans… Fragilisées par un passé difficile, souvent un vécu de violences sexuelles, elles n’ont pas fait le choix « éclairé » de cette activité vers laquelle des prédateurs les ont conduites.

 

La prostitution a des conséquences sur la vie et la santé des personnes d’autant plus graves qu’il s’agit d’êtres en construction mais c’est le même système qui contraint les femmes adultes et dont l’origine se trouve dans la demande. Sans demande des clients prostitueurs, pas de proxénètes, pas de trafiquants, pas de personnes prostituées.

 

Espérons que le travail engagé débouchera sur des renforcements de l’application de la loi du 13 avril 2016 et notamment sur des campagnes d’information massives auprès de l’ensemble de la population.

 

Le groupe travaillera sur 5 axes : prévention primaire, prévention secondaire, traitement judiciaire, formation des professionnel·les, méfaits d’Internet et des réseaux sociaux. Des propositions devraient être faites au début du mois de mars 2021.

 

Parallèlement, une recherche-action conduite par le Centre de Victimologie pour mineur·es sera faite avec la participation des professionnel·les de terrain dans plusieurs villes de France.

 

L’Observatoire National de la Protection de l’Enfance – ONPE – a recueilli et continue de recueillir de nombreuses contributions.

 

Marie-Hélène FRANJOU                                                                      Delphine JARRAUD

Présidente de l’Amicale du Nid                                                           Déléguée générale de l’Amicale du Nid


[1] Site internet jenesuispasavendre.org et page Instagram @je_ne_suis_pas_a_vendre